« La Suisse dans le monde » … et en Europe ?

Peter Maurer

Par l’intermédiaire d’une conférence à Genève : ‘La Suisse dans le monde – Le monde en Suisse » organisée par l’Institut de Hautes Études Internationales et du Développement, Peter Maurer, Secrétaire d’État du Département fédéral des affaires étrangères de la Confédération Helvétique a replacé la Suisse au sein des enjeux européens, internationaux et globaux. Ancien ambassadeur de Suisse auprès de l’Organisation des Nations-Unies à New York, il a été nommé en janvier 2010 à son poste actuel.

Peter Maurer a introduit son intervention en replaçant la notion d’étranger en Suisse : au contraire des discours politiques nationalistes, l’étranger – même proche – joue au quotidien en Suisse par sa position particulière qui lui donne des caractéristiques que peu de pays connaissent : 10% des Suisses vivent à l’étranger (avec une augmentation de +20% en 10 ans) mais quelques faits plus marquants : 27% de la population active est étrangère, la moitié des mariages célébrés en Suisse sont mixtes et 10% de la population a pour langue maternelle une langue non nationale ».

Malgré ces faits, comme nous l’a précisé par de nombreux exemples Peter Maurer, la Suisse vit au milieu d’ambiguïtés : face à une réelle volonté de mettre en valeur la Suisse et en particulier Genève comme ville des droits humains, la Suisse « vote » contre ces idées et d’une manière discriminatoire à l’encontre des étrangers ou des minorités. Pour lui, ce phénomène est également présent par le regain d’enthousiasme, exprimé par la sensation de swissness alors que de plus en plus, comme nous l’avons vu, l’étranger joue un rôle important et s’entrelace avec les actions quotidiennes des suisses . Ainsi, dans l’enquête paru, en ce jour sur TSR info : « Avec un taux de 77%, l’approbation d’une politique étrangère autonome n’a jamais été aussi élevée depuis la première enquête effectuée en 1983 » avec une quasi-unanimité (94%) de défense du principe de la neutralité.

Le Secrétaire d’État a rappelé que la politique étrangère de la Confédération suit le principe d’autonomisation : la politique de sécurité suisse se base ainsi sur une coopération ad-hoc avec des partenaires fiables (essentiellement l’Union européenne et l’OTAN) mais toujours une indépendance vis-à-vis de ces derniers préservée.  Il nous explique ainsi distinctivement qu’elle se base sur le calcul d’intérêt sur le moment.

Borne frontière franco-suisse

Peter Maurer nous précise ensuite que l’Europe et plus particulièrement l’Union européenne ont une position particulière dans l’échiquier des relations internationales suisses et dans l’importance qu’il leur est donné par l’administration fédérale en charge des Affaires Étrangères : l’Union européenne se trouve en partenaire possible des trois niveaux d’enjeu de la politique étrangère de la Suisse : le transfrontalier, l’Europe et les problèmes globaux. Ainsi, en matière transfrontalière, il met au même niveau d’importance  l’Union européenne en tant que partenaire principal mais également les pays voisins importants : trois sont membres sont du G8 et du G20. Les questions transfrontalières sont conditionnées, pour lui, par l’Union européenne et offre, de ce fait, une porte d’accès à celle-ci pour la Suisse : avec l’exemple mis en lumière lors de la conférence, des infrastructures suisses qui sont liées à l’Union européenne comme nous l’avons vu avec les problèmes de la limitation de survol pour l’aéroport de Zurich par l’Allemagne. Enfin, la Suisse, n’a aucun intérêt, a poursuivi Peter Maurer, à ce que les problèmes locaux deviennent européens et transfrontaliers dans le futur.

Selon le secrétaire d’État, l’axe politique des relations helvético-europuniennes est centré sur la continuation des accords bilatéraux qui allie coopération et indépendance : la Suisse a un intérêt économique à développer un accès au marché commun sur différents biens (produits chimiques et agricoles) et ainsi les accords bilatéraux. Le peuple suisse soutient cette approche et se détache de plus en plus de la possibilité de l’adhésion, une fois de plus souligné par l’enquête paru sur TSR info : « Cette option ne séduit plus que 19% des citoyens, soit 12% de moins que l’année dernière ».

Néanmoins, des problèmes, comme l’a souligné Peter Maurer, sont en train de naître aussi bien du côté suisse qu’europunien : un scepticisme existe en Suisse et touche également les accords bilatéraux. D’après le haut-fonctionnaire, il est principalement nourri par les volontés politiques mais aussi par la faiblesse de l’Euro par rapport au Franc Suisse qui rehausse pour certains la Suisse comme puissance économique et politique : ces velléités mettent en exergue que le rapprochement avec l’Union européenne n’est pas urgent et qu’il n’est pas impératif de faire des concessions au grand voisin. Cependant, Peter Maurer nous fait noter que la réalité va au contraire de ces impressions : les accords existants fonctionnent bien et un double level game des hommes politiques suisses est largement présent entre leurs positions à Berne et dans leur canton et lors de leur déplacement à Bruxelles. Du côté européen, une pensée se développe sur le côté trop avantageux pour la Suisse du régime actuel des accords bilatéraux.

De plus, l’ancien ambassadeur auprès de l’ONU nous rappelle que la Suisse doit faire face pour les nouvelles évolutions de sa relation avec l’Union européenne à un nouvel écueil, le Traité de Lisbonne. Peter Maurer nous a expliqué que plus d’institutions ont un mot à dire et poursuivent la volonté de ne pas créer un précédent « fâcheux » pour les futurs développements avec d’autres partenaires et donc les défis futurs sont pour la Suisse, tout d’abord, la nécessité de trouver un moyen de gérer les 120 accords bilatéraux existants plus efficacement, ensuite, d’aller plus loin dans les accords bilatéraux sectoriels et enfin la nécessité de trouver un moyen pour que les deux parties soient contentes. Enfin, Peter Maurer a mis en évidence que face aux problèmes liés à la flexibilité des accords de Schengen, l’unilatéralisme est le problème majeur et qu’il faut par conséquent utiliser les mesures de remise en place des contrôles prévus dans les accords.

Sources :

Peter MAURER, Conférence sur «La Suisse dans le monde – le monde en Suisse » donnée le 23 mai 2011 à l’Auditorium Jacques-Freymond, Villa Barton, Genève dans le cadre des Conférence de l’Institut (IHEID).

TSR info « Les Suisses de plus en plus eurosceptiques » [en ligne] ; 24 mai 2011 url : http://www.tsr.ch/info/suisse/316150-les-suisses-de-plus-en-plus-eurosceptiques.html

Crédit photo : UN ISDR, Thomas Bresson

Si vous désirez avoir un autre point de vue sur cette conférence, un autre compte-rendu est disponible sur le blog de Louis Lepioufle.

L’article a été mis-à-jour le 31.05.11

 

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