Un an et un jour après le succès de l’initiative interdisant la construction de nouveaux minarets, le peuple suisse s’est à nouveau prononcé en faveur d’une initiative mettant en avant une double altérité : le renvoi des étrangers criminels. En effet, et avec 53% de oui, le résultat indique malgré tout un clivage entre cantons romands et suisses allemands et le Tessin.
La veille de cette votation, le quotidien genevois Le Temps du 27 novembre 2010 établissait en prenant appui sur un sondage sur la politique d’intégration paru dans le SonntagsBlick, la différence de la perception de l’altérité étrangère entre les suisses romands et les suisses alémaniques : « Question basique pour commencer : « La Suisse compte 22% d’étrangers. Jugez-vous que cette part est trop élevée ? » Les Alémaniques sont 50% à répondre oui, contre 20% seulement des Romands. Un clivage sans appel. » Cependant, l’article pose la différence de modèle comme explication en citant Sandro Cattacin, professeur de sociologie à l’UniGe entre le modèle républicain à la française en Romandie et un modèle basé sur le communautarisme en Suisse alémanique ; le caractère symbolique et non à conséquence économique joue également un rôle dans l’acceptation des initiatives populaires. [1]
Au lendemain de la votation, Le Temps analyse les positions contradictoires au sein de la Commission européenne concernant le vote suisse : « Cette prudence de la Commission contraste avec les propos virulents prononcés dimanche par le président José-Manuel Barroso contre la dangereuse montée des populismes en Europe », le cadre de référence que peuvent produire les votations en Suisse pour les autres pays européens et l’impossibilité de la Commission d’aller à l’encontre d’une décision populaire dans un État non membre. [2]
Les réactions en dehors des frontières suisses ne se sont pas fait attendre. Le Monde, en reprenant une dépêche AFP, en début d’après-midi de ce dimanche de votation mettait en avant le caractère xénophobe : « La campagne de l’UDC a donné lieu à une débauche d’affiches ouvertement xénophobes dans un pays qui compte 21,7 % d’étrangers. » [3]. Le lendemain, La Croix, présente clairement « une initiative de la droite populiste.[4] »
The Australian, dans son édition du lundi 29 novembre, met également l’accent sur : « le ton manifeste de xénophobie » et les effets sur les citoyens de l’Union européenne, en accentuant le fait que la naissance ou la résidence de longue durée n’empêchera pas l’expulsion. [5] The Irish Times, reprend l’argument de la naissance et de la résidence de longue durée et contextualise le vote dans un accroissement d’un sentiment anti-immigrant en Europe. [6]
Enfin, The International Herald Tribune se pose des questions sur la légalité de l’expulsion automatique eut égard à l’accord de 1999 entre la Suisse et l’Union européenne sur la liberté de mouvement dans le continent et aussi l’obligation de non-renvoi vers des pays pratiquant la torture. Le quotidien américain indique que le votant suisse donne peu de considération en ces deux arguments du fait de leurs inquiétudes, d’une part face à une large population immigrée, et d’autre part quant à l’assertion que les étrangers comptent pour un fort pourcentage dans les crimes commis en Suisse en reprenant des dires de Christophe Blocher lors d’un débat à l’Université de Genève. [7]
The Washington Post définit l’UDC comme un parti ultranationaliste et reprend l’argument du malaise face à l’immigration. Il place cette initiative dans un contexte européen plus large en prenant appui sur les dernières propositions de lois en France de retrait de la nationalité française et d’expulsion des immigrants clandestins. Finalement, le quotidien de la capitale fédérale américaine cite José Manuel Barroso nous exposant que : « L’Europe fait face à une montée populiste en réaction à un afflux d’étrangers, à qui souvent on reproche – justement ou injustement – la hausse des crimes et le poids croissant de l’aide sociale. [8] »
Crédit photo : fbrutsch
Article publié initialement dans le blog de l’Institut européen
[1] Cossy, Catherine. « Etrangers, le malaise alémanique. » Le Temps, 27 Novembre 2010
[2] Werly, Richard. « L’UE compte sur le Conseil fédéral pour « respecter ses obligations » bilatérales. » Le Temps, 29 Novembre 2010.
[3] LEMONDE.FR avec AFP. « Référendum en Suisse sur le renvoi des criminels étrangers. » Le Monde, 28 Novembre 2010.
[4] -. « La Suisse durcit les conditions d’expulsion de criminels ou délinquants étrangers. » La Croix, 29 Novembre 2010.
[5] Bremner, Charles. « Swiss vote on tough rules for foreigners. » The Australian, 29 Novembre 2010 : 15.
[6] Scally, Derek. « Swiss voters back plan to deport foreign criminals. » The Irish Times, 29 Novembre 2010 : 10.
[7] Cumming-Bruce, Nick. « Swiss right wins vote on deportation of criminals ; Referendum opens door to automatic removal of convicted foreigners. » The International Herald Tribune, 29 Novembre 2010 : 7.
[8] Cody, Edward. « Swiss pass measure to expel foreigners convicted of crimes. » The Washington Post, 29 Novembre 2010 : A07.
Une pensée sur “Initiative sur le renvoi des criminels étrangers : réactions de la presse européenne et internationale”