La subvention européenne n’est pas le seul moyen de parler d’Europe

 

La première rencontre du journalisme européen de proximité mise en place par Euradionantes nous livre ce constat : le local doit se mettre au service de l’Europe. Aussi bien les journalistes que les communicants et les politiques veulent se libérer de l’emprise nationale afin de lier le citoyen à l’Europe par le dernier échelon spatial : la proximité. L’Europe, le nouveau partenaire quotidien du citoyen et dernier rempart contre le populisme.

Premier constat. L’absence de compréhension de l’Europe par les citoyens est ressentie. La faute aux journalistes ou aux politiques ? Laurent Wauquiez par la bouche de Laurence Marie, conseillère aux relations avec la société civile, suggère de « parler d’une Europe positive pas peinte en noir », la proximité aidant à l’objectif de rosir l’image européenne.  La vérité est plus profonde. Anne Houtman (Chef de la Représentation de la Commission européenne en France), par les mots de Romano Prodi, pose l’importance de faire des européens : « les journalistes doivent amener de l’apprentissage de l’Europe ». Le journaliste est ainsi l’intermédiaire pédagogue et formateur livrant le « sens » de l’Europe.

L’obstacle principal n’est-il pas l’intérêt décroissant des lecteurs/auditeurs à la vision des acronymes européens ? De la bouche même des journalistes du panel, l’Europe peut être vendeuse. F. Pozzoli-Montenay de l’Association des journalistes européens, pose le problème sur la notion de « décrypter les enjeux » et de voir la « notion européenne en tant que base de la vie politique nationale ». Au final, « les sujets européens ne sont pas uniquement des sujets ennuyeux et lointains mais aussi proches ». Il va même jusqu’à placer l’argument ultime pour tous rédacteurs-en-chef : « le traitement de sujet européen peut aussi être positif en termes de gain de lecteurs ». Il ne manque plus que la promesse d’annonceurs publicitaires et la Commission européenne sera à la une des quotidiens nationaux.

Pour en revenir à la réalité journalistique, ce traitement se fait différemment. La question est posée.  Y-a-il une différence de travail au sujet de l’Europe entre les rédactions écrites et radio d’un côté et entre les média locaux et nationaux ?

Une grande absente à cette conférence : la télévision. Simple déférence ou désintérêt. Question qui se pose en voyant cette statistique entendue au hasard d’une réponse lors de la conférence : « 1,4 % des sujets des journaux télévisés sont à thématique européenne ».

Jean-Marie Biette, de Ouest-France, livre directement sa vision et rappelle que : « la construction européenne est dans l’ADN du journal Ouest-France». L’Europe prend une place toute particulière dans les éditions de ce journal et ne se caractérise pas uniquement par des articles provenant du correspondant à Bruxelles : le travail se fait aussi au siège. Une formation est offerte à tous les journalistes. Le plus important pour lui est de « rappeler que la subvention européenne n’est pas le seul moyen de parler d’Europe ».

Les moyens de Radio France aidant, la situation y est légèrement différente que chez le leader de la Presse Quotidienne Régionale. La directrice déléguée éditoriale Europe à Radio France, Marie-Christine Vallet met en contrepartie de l’absence d’une rédaction dédiée à l’UE, la présence de journalistes spécialisés à Bruxelles et l’envoi d’un journaliste pour les plénières à Strasbourg entre autres.  Et même la déclinaison locale, à travers le Réseau Bleu, n’est pas en reste : il n’y a pas d’antinomie locale-Europe. En fin de compte, Marie-Christine Vallet met en avant qu’à Radio France : « dans tous les domaines, il y a la présence d’un angle européen ».

Le problème viendrait ainsi du « Kilomètre sentimental » selon Renaud de Chazournes de MyEurop.info. Bruxelles est plus éloigné que Rome ou Varsovie donc  l’information serait moins intéressante pour le lecteur. Il faudrait  « parler de l’Europe par le vécu et non l’institutionnel » et « donner un nouveau sens à l’information en la comparant et en changeant la focale pour voir les expériences différentes dans les pays européens ». L’idée serait de « comparer mais aussi d’incarner localement dans les différents pays ».

Le constat négatif de la situation connait une maigre consolation venant de Stephen de Vries, journaliste néerlandais et chroniqueur à France 24. La situation en France serait meilleure qu’aux Pays-Bas aussi bien par la présence de pure-players sur internet que par la couverture dans les média traditionnels. Stephen De Vries explique qu’il existe « une volonté de ne pas parler de l’Union européenne aux Pays-Bas ».

Enfin, Jean-Marie Biette nous livre ces trois commandements : « informer », « éviter les raccourcis » et surtout « faire de la pédagogie avant la propagande ».

Crédit photo : Euradionantes

Vous trouverez d’autres articles traitant de la première rencontre du journalisme européen de proximité sur le blog de Louis Lepioufle.

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