La position de la Suisse au sein du continent européen est ambigüe. De par son rôle spécial à l’intérieur de certaines coopérations et mécanismes institutionnels mais aussi en dehors d’autres, la Confédération Helvétique connait des bouleversements dans sa politique intérieure et dans ses choix politiques tournés vers les autres pays européens.
Les perspectives d’adhésion à l’Union européenne de la Suisse sont actuellement assez mornes. D’une approche ‘top-down’ par les élites politiques, économiques ou sociales ou ‘bottom-up’ par la population, ces volontés sont moindres (Kriesi et Trechsel. 2008. p186).
Du point de vue de la population, les particularités constitutionnelles suisses impliquent un référendum obligatoire avec une double majorité des cantons et du peuple pour les adhésions à des communautés supranationales et à des organisations de défense collective (art. 140 de la Constitution fédérale suisse) mais également le peuple suisse a la possibilité pour une adhésion à toute autre organisation internationale de mettre en place une procédure de référendum facultatif avec majorité du peuple (art. 141 de la constitution fédérale suisse). Par ces procédures de démocratie directe, le consensus ne peut être atteint sur les questions encore très ancrées idéologiquement comme la neutralité et les effets d’une intégration à l’Union européenne sur les institutions et l’économie suisses (Christin et Trechsel. 2002). Ainsi les questions à se poser ne sont pas uniquement une volonté politique des gouvernants mais réellement une nécessité politique, économique et identitaires à créer. Comme l’exemple de l’Islande l‘a mis en avant suite aux problèmes financiers et bancaires de ce pays, les retournements d’opinions concernant les volontés populaire d’adhésion à l’Union européenne sur des volets économiques et même identitaires comme l’importance des changements devant être effectués au secteur de la pêche sont possibles sur des périodes assez courtes temporellement. Face à un ancrage populaire fort sur une identité politique nationale, une impulsion est nécessaire au niveau soit politique , soit économique ou soit dans ces deux domaines.
La base des relations actuelles entre la Suisse et l’Union Européenne est régie par les Accords Bilatéraux I et II. Ces accords touchent des domaines aussi variés que la libre circulation des travailleurs, la coopération policière ou encore certains aspects fiscaux. Bien que voyant dans l’UE son premier partenaire, la Suisse tient à sa politique d’universalité des relations diplomatiques (Conseil Fédéral Suisse. 2009). Elle s’avère ainsi très critique vis-à-vis de l’Union et la voit davantage comme un soft power, même si celle-ci influence et modifie les politiques publiques dans sa périphérie.
« La Suisse renforce sans cesse son partenariat »
Premier partenaire économique de la Suisse, elles partagent également les mêmes valeurs. En ce sens, le phénomène de coopération est lié à une réelle volonté et un besoin politique et sociétal. Par ses relations privilégiées avec l’UE, la Confédération Helvétique possède un accès privilégié au marché commun en contrepartie de sa contribution à la solidarité européenne sur les politiques communes. On devrait ainsi voir figurer dans les prochaines années, au menu de la coopération renforcée, Eurojust, l’Agence Européenne de Défense ainsi qu’un possible accord-cadre dans le domaine de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense. Cependant, on voit bien qu’à ce stade, la Suisse devra, un jour, adhérer si elle souhaite renforcer et approfondir ce partenariat privilégié. Effrayée par la reprise automatique du droit communautaire à l’image de Micheline Calmy-Rey (Conseillère Fédérale chargée des Affaires Étrangères), la Confédération évoque la possibilité d’un accord-cadre afin de clarifier plus de 200 différents accords, mettant en avant un pouvoir de codécision dans la mise en œuvre du droit communautaire tout en intensifiant la coopération bilatérale dans le domaine économique. Fondée sur des accords nécessitant des révisions périodiques, la Suisse renforce sans cesse son partenariat, même si, au fur et à mesure qu’elle se rapproche de l’Union, la Suisse s’éloigne dans le même temps d’une possible adhésion. Si sur le court et moyen terme, la position et l’action de la Suisse est tout en son honneur et permet des revendications et un poids d’autant plus fort, il n’en demeure pas moins que sur le long terme, elle s’en retrouvera isolée. En effet, face à une plus grande intégration de l’Union Européenne, à un transfert de compétences de plus en plus important, la Suisse ne pourra se prévoir d’un respect de sa souveraineté. En effet, bien qu’agissant en dehors de l’Union tout en reprenant son acquis communautaire, la Suisse ne se retrouve qu’avec un semblant de souveraineté.
Le partenariat privilégié entre la Suisse et l’Union Européenne n’est pas une solution sur le long terme, pour ces deux parties. Ainsi, la solution idéale protégeant le plus les intérêts suisses du reste du monde et s’inscrivant dans l’évolution contemporaine de la souveraineté des États européens est bien sûr l’adhésion, du fait de multiples transferts de compétences au niveau européen. Il n’en demeure pas moins que cette voie n’est pour l’instant pas privilégiée, le Conseil fédéral mettant en avant un consensus et se réfugiant derrière la Constitution.
Crédit photo : europe2009.unblog
Article co-écrit pour Eyes on Europe avec Louis Lepioufle : « Politique Européenne de la Suisse » dans Eyes on Europe n°12, Bruxelles : Mai 2010. (version pdf disponible ici)
Bibliographie :
-. 1999. Constitution fédérale suisse. Berne.
Calmy-Rey, Micheline. 2009. Discours de Madame la Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey
Cheffe du Département fédéral des affaires étrangères prononcé à l’occasion des Midis de l’Europe. Midi de l’Europe du 17 novembre 2009 à Genève.
Christin, Thomas et Alexander H. Trechsel. 2002. ‘Joining the EU? Explaining public opinion in Switzerland‘, European Union Politics 3, 4: 415-43.
Conseil Fédéral Suisse. 2009. Rapport sur la politique étrangère. Berne.
Kriesi, Hanspeter et Alexander H. Trechsel. 2008. The Politics of Switzerland : Continuity and Change in a Consensus Democracy. Cambridge: Cambridge University Press.