Un an après les élections européennes, l’avenir de l’Union européenne se joue peut-être au Royaume-Uni avec les élections législatives qui auront prochainement lieu. Les élections européennes ont connu dans ce pays une participation particulièrement basse (34,7%) et ont été dominé par le Parti Conservateur eurosceptique et le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni anti-européen.
Le 6 mai prochain aura lieu au Royaume-Uni des élections législatives appelées General Elections. La Chambre des Communes sera renouvelée et donnera un nouveau Prime Minister au Royaume-Uni. Les trois grands partis britanniques s’affrontent avec la volonté d’introduire leur leader à ce poste : les Travaillistes avec l’actuel Premier Ministre Gordon Brown, les Conservateurs avec David Cameron et enfin les Libéraux-démocrates avec Nick Clegg.
L’Union européenne n’est pas un sujet principal de la campagne électorale, comme nous l’indique El Pais, l’Europe est un thème toxique en politique britannique [1] ou comme Le Figaro le rappelle, l’Europe est actionnée comme un repoussoir [2] . Ainsi les Conservateurs ont le désir de ne pas affronter les autres partis sur cette question [3] d’après The Times.
Malgré les volontés affichées à la fin de l’année 2009, les Conservateurs ne feront pas sortir le Royaume-Uni de l’Union Européenne. Ce point est de plus précisé dans leur manifeste, le Royaume-Uni restera membre de l’Union européenne et comme l’indique Jean Quatremer dans son blog [4] : « La Grande-Bretagne a trop peur que le continent s’organise sans elle et préfèrera toujours être dedans pour bloquer que dehors, impuissante. ».
Le programme conservateur sur l’Europe se base principalement pour un contrôle accru des politiques européennes au Royaume-Uni. Le premier point est la mise en place d’une volonté de contrôle en dernier lieu au plan national afin que le Parlement soit le garant du pouvoir politique au Royaume-Uni. En parallèle, le parti conservateur désire mettre en place des référendums sur les éventuels transferts de pouvoir en direction de Bruxelles. Puis, de nouveaux opt-outs vont être proposés dans les domaines sociaux ou de la justice notamment. Toutefois, dans les faits, la position du parti de D. Cameron sera surement plus pragmatique. La politique conservatrice sera certainement moins europhobe, cette position étant plus facilement défendable dans l’opposition qu’au gouvernement.
En conséquence, la situation la plus crédible sera la mise en place de vétos nationaux sur certains domaines comme sur la réforme de la finance avec la première rencontre des ministres des finances quelques jours après l’élection. L’aménagement se fera surement lors du Traité d’adhésion de la Croatie en 2012, avec la possibilité de réitérer la politique de John Major et sa menace sur les traités d’adhésion des entrants de 1995.
Cependant, cette position à la limite du rejet de l’Union européenne est un argument électoral. David Cameron doit en effet séduire, en premier lieu la frange eurosceptique de son parti, mais également les électeurs de l’UKIP, avec des exemples assez concrets sur le terrain, ce parti ayant appelé ses électeurs à voter pour les candidats eurosceptiques des deux grands partis dans quinze circonscriptions [5] . Les conservateurs ont ainsi un intérêt électoral dans ces campagnes menées contre un super-État européen et n’hésitent pas à jouer sur les peurs des électeurs. Cependant, sur ce point, il est à noter que depuis le mois dernier, David Cameron a entamé un virage vers le Centre comme le démontre ses positions dans le manifeste [6] .
David Cameron se trouve piégé dans les contradictions de son parti et comme l’avance le Guardian, David Cameron est coincé entre l’euroscepticisme de son parti et l’intérêt stratégique national [7] . L’éventualité, comme le montre les derniers sondages, d’un hung parliament – c’est-à-dire une Chambre des Communes sans majorité absolue obtenue par un parti – entrainera un gouvernement de coalition entre les Démocrates-Libéraux et un des deux autres des trois grands partis. Et comme nous l’indique The Times, les Tories pourraient se mettre en coalition avec les Démocrates-Libéraux, en effet leur politique interne pourraient être complémentaires [8] , certains comme le quotidien conservateur Daily Mail qualifiant même ce type de gouvernement rare au Royaume-Uni, de consensus à l’Européenne [9] . Dans notre cas, la principale question sera de savoir comment le parti eurosceptique mettra en place sa politique européenne dans une coalition avec un parti europhile car ce constat pourrait in fine empêcher tout accord électoral
Crédits photo : Commission européenne, Cabinet Office, The Prime Minister’s Office
Article publié initialement dans le blog de l’Institut européen
[1] Oppenheimer, Walter. « La UE es siempre un tema tóxico en la política británica. » El pais, Avril 11, 2010 : 8.
[2] Rousselin, Pierre. « L’effet Nick Clegg. » Le Figaro, Avril 19, 2010 : 19.
[3] Charter, David. « EU Centre Right awaits Cameron return. » The Times, Avril 13, 2010 : 9.
[4] Quatremer, Jean. Conservateurs britanniques : que de la gueule ! (All mouth and trousers !). Novembre 04, 2009. http://bruxelles.blogs.liberation.f…
[5] Hope, Christopher. « Support the Euro-sceptics in other parties, Ukip tells voters. » The Daily Telegraph, Avril 14, 2010 : 6.
[6] Document accessible à l’adresse suivante : http://www.conservatives.com/Policy…
[7] Roberts, Hugh. « The election : foreign policy. » Guardian Unlimited, Avril 16, 2010.
[8] Sylvester, Rachel. « But who will be Clegg’s political partner ? ; The Lib Dem leader has a problem with Gordon Brown … but the Tories may prove incompatible too. » The Times, Avril 20, 2010 : 15.
[9] Oborne, Peter. « The Great Liberal Deception. » Daily Mail, Avril 20, 2010